Grands blancs et accords de fêtes
Par NICOLAS PONZO | Photographie THOMAS HEYDON
Les vins blancs ont le vent en poupe !
Tour d’horizon de leurs accords gastronomiques illustré par quelques-uns des nombreux grands vins blancs du Gard avec l’aimable participation de Michel Hermet qui dirige le Wine Bar » Le Cheval Blanc ».
Longtemps cantonnés à l’escorte discrète de l’opulent plateau d’huîtres, comment les blancs ont-ils conquis nos nappes amidonnées ?
Tout d’abord, avec la baisse de la consommation du vin et l’absence d’éducation à son goût, les blancs sont plus accessibles que les rouges dont les tannins offensent durement les papilles profanes. Ensuite, la variété de nos terroirs et la maestria de nos vignerons autorisent de très heureux mariages avec une grande variété de mets, des plus simples aux plus sophistiqués. Enfin, pour peu qu’ils développent de la fraicheur en bouche – critère indispensable, commun à toutes les cuvées de cette sélection – les blancs fatiguent moins nos palais.
Ils donnent de l’allant à nos sens, de l’élan aux agapes et préservent ainsi notre appétence, ce qui constitue un gage de légèreté pour aborder le plat suivant !
“...des vins virevoltants, émoustillants comme un baiser torride en plein mistral”
Pour débuter, des blancs aériens, charnus et salins.
Commençons justement notre repas avec des vins virevoltants, émoustillants comme un baiser torride en plein mistral… Ils seront les agréables chaperons des bouchées apéritives aux produits de la mer, aux abats ou au fromage : crostini au beaufort jeune, bouchées de crevettes poêlées, tartare de saumon au yuzu, ceviche de daurade au gingembre, mini-brochettes de fruits de mer parfumées à la badiane, rillettes de sardines parsemées d’estragon, boudin blanc beurre noisette ou parfait de foies de volailles. Ces flacons engageront naturellement d’heureux ébats avec les crustacés et les poissons cuisinés comme eux-mêmes sont vinifiés : avec subtilité, simplicité et précision. Ainsi leur suffira-t-il de quelques noix de St Jacques snackées à la fleur de sel de Camargue ou d’une poignée de langoustines justes décortiquées et accompagnées d’une mayonnaise légère pour vous ouvrir les portes d’une félicité sensorielle d’un incomparable raffinement.
La Clairette de Bellegarde Cap au Nord du Clos des Boutes (1), archétype inégalé du cépage clairette, dévoile sous son austérité première un caractère gracieusement aérien. De délicates notes florales et un enrobage friand précèdent une finale symphonique, qui conjugue une note saline, un soupçon d’amertume, une légère astringence et d’interminables ondes d’une fraicheur addictive. Dans un style assez comparable, Pradau, le Lirac du domaine des Maravilhas (2) chevauche la ligne délicate et complexe du cépage bourboulenc, voguant sur le chèvrefeuille, le combava et l’élégance du fumé minéral… Ici aussi la chair se révèle derrière la fraicheur aérienne et développe une salinité très stimulante. Le Blanc Noir des très confidentiels Frères Soulier (3) est quant à lui issu à parts égales du grenache blanc et du grenache… noir ! Ces deux couleurs passées ensemble au pressoir, sans macération, donnent naissance à un curieux blanc/blanc de noir expressif, sur des notes de fruits du verger, d’agrumes et de poivre blanc. Sa bouche fraîche et acidulée présente une belle tension et une finale saline.
Les cuvées de ce type ne se limitent évidemment pas aux seules entrées, elles savent souffler un vent de fraîcheur sur tout un banquet, mettant ici en valeur la finesse de la chair d’une poularde à la crème, ou tranchant là-bas, de leur lame minérale et acérée, dans le velouté d’un beurre blanc dressé à l’affut d’un loup de ligne sorti du four.
Puis les vins denses et élégants
Pour autant, dès lors que les mets gagnent en puissance et en onctuosité, des vins à l’élevage plus ambitieux tirent souvent la nappe à eux avec plus d’aisance. Dotés d’une bouche riche, dense, complexe, souvent épicée, sans jamais sacrifier à l’élégance ni à la vivacité finale, ils sont les âmes sœurs des poissons en sauce et des viandes blanches crémées. Ris de veau aux morilles, croustillant de bar au foie gras, quasi de veau gingembre et zestes confits, carré de porc poires tapées et safran, chapon farci aux fruits secs, mini-burger de foie gras au pain d’épices… les vins blancs denses sauront rivaliser en puissance et en générosité avec ces mets, sans pour autant engourdir leurs textures.
L’incontournable Capitelle du Château Mourgues du Grès (4), développe une belle structure capiteuse sur de soigneuses notes d’élevage. Également en AOC Costières de Nîmes, le Château Beaubois explore avec brio l’élégance bourguignonne dans sa cuvée Idole (5), dont chacune des six cents bouteilles est précieusement numérotée. Ces deux expressions d’une harmonie subtile du vin et du bois assurent une conciliation garantie avec les plats de fête.
L’envoûtante Camille du Mas d’Espanet, en AOC Languedoc (6), trône au firmament de l’élégance vinicole gardoise. Fringant assemblage de grenache et de picpoul, son élevage le sublime dans une complexité épicée, gourmande et minérale. La classieuse Reine des bois, AOC Lirac du Domaine de la Mordorée (7), fait la part belle à un assemblage tout en puissance rhodanienne, d’une extrême droiture, dont les classiques notes fruitées sont complétées par l’acacia, l’iris et la verveine. Deux cuvées jubilatoires qui forcent le respect.
“Dès lors que les mets gagnent en puissance et en onctuosité, des vins à l’élevage plus ambitieux tirent souvent la nappe à eux avec plus d’aisance”
La subtile alchimie du temps
Dans cette famille des vins denses et élégants, quelques vignerons offrent l’occasion unique de se délecter de vins assagis par le temps. Parmi eux, les vénérables Psaumes 2016 du Domaine du Père Benoit (9) déroutent : chardonnay et viognier ont été vinifiés ensemble puis patiemment patinés en cave, sans intervention, pour engendrer un vin pur, riche et équilibré aux généreuses notes d’évolution et aux amers enchanteurs. Plus classique, le souverain Coucardié 2018 de Michel Gassier (8) démontre magistralement le potentiel de garde des Costières de Nîmes, tant il déploie de puissance, de complexité, de volume et de douceur. Il fait partie de ces cuvées à même d’élever aux nues la volupté d’un accord avec la truffe. Salivons donc de poulardes en demi-deuil, de foie-gras poêlés à la truffe ou autres chapons truffés sous la peau !
Et un vin unique sur tout le repas ?
Un vin alliant rondeur et fraîcheur pourra évidemment charmer tout un repas. Par exemple Trassegum, du Château d’or et de gueules (10), qui est ample, rond et expressif, s’appuiera sur sa remarquable trame acidulée pour s’élancer de plat en plat avec une grâce féline.
Liste des cuvées dégustées ET AUTRES références à marier selon votre bon plaisir En plein accord… ou désaccord !
Famille | Cuvées | Accords |
Famille des vins aériens, charnus et salins |
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Famille des vins denses et élégants |
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Famille des vins ronds et frais |
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