Histoire de Cuisine

L’aigrillade saint-gilloise, d’Arlette Chanvanieu

par AGATHE BEAUDOUIN

Arlette découvre ce plat dans les années 1980, lorsque son papa devient mayoral de la ganaderia Riboulet (élevage de toros espagnols)

On le sait avant même d’avoir débuté la rédaction de cette chronique : la recette risque de faire tiquer… et sans doute de nous valoir quelques courriers corsés. Car depuis des décennies, l’orthographe même de ce plat camarguais varie et alimente de longues polémiques. Le débat en question ? Doit-on parler d’aigrillade, ou bien agrillade, voire même d’aigriade ? Vaste sujet que nous ne tenterons pas de régler ici mais une chose est sûre : « Il ne s’agit surtout pas de grillades ! » répète Arlette Chavanieu, l’ancienne cuisinière du restaurant Halles Auberge, qui, au début des années 2000, eut l’audace de remettre cette spécialité de Saint-Gilles au goût du jour en plein cœur de Nîmes.

Arlette découvre ce plat dans les années 1980, lorsque son papa devient mayoral de la ganaderia Riboulet (élevage de toros espagnols). « Cette recette me vient de Madame Riboulet mère, à Saint-Gilles. C’est elle qui nous a expliqué que ce plat venait du mot aigre parce qu’on y met des câpres, du vinaigre, du citron, des oignons et du persil. C’était une méthode pour conserver la viande. »

Pour cette recette, à base de viande de toros ou de bœuf, il faudra environ 1,5 kg de paleron coupé en tranches fines, 2 gros oignons, 100 g d’anchois à l’huile d’olive, 100 g de câpres au sel, 100 g de cornichons, 4 gousses d’ail, 6 cuillères à soupe de vinaigre de cidre, 6 cuillères à soupe d’huile d’olive, et du poivre du moulin. La veille, hacher tous ensemble les condiments et verser une couche de cette préparation au fond de la cocotte, puis une couche de tranches de viande, puis une couche de condiments, puis les tranches de viande et ainsi de suite. Arroser de vinaigre, déposer laurier et thym. Petite entorse à la recette traditionnelle confiée par notre cuisinière : « Je rajoute des lardons, surtout si j’ai du toro, une viande qui a peu de gras. » Couvrir et réserver pendant une nuit. Le lendemain, faire cuire à 150 °C pendant plusieurs heures. Arlette Chavanieu le rappelle : « C’était un plat du pauvre, un ragoût qui peut se faire recuire. Ça s’escafouille (comprenez se délite, ndlr) au fur et à mesure des cuissons. » Et c’est encore meilleur le lendemain, et même le surlendemain, servi froid dans un sandwich. 

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