Duo de Chefs

Matthieu Hervé et Jean-Paul Lecroq : Le choix des chefs

Par Guillaume Mollaret | Photographie Jean-Claude Azria

Matthieu Hervé, chef étoilé du Cèdre de Montcaud, et Jean-Paul Lecroq, à la tête d’Ousta-Maï, ont pris le parti commun de proposer un menu unique à une clientèle restreinte à 24 couverts maximum par service. 

« Peut-on être libre sans avoir le choix ? » Vous avez deux heures… ou en tous cas le temps d’un repas pour répondre à ce sujet de philosophie posé par les chefs Jean-Paul Lecroq et Matthieu Hervé. Ces deux membres de Gard aux Chefs, le premier installé à Saint-Maximin, au restaurant Ousta-Maï, et le second à Sabran, au Cèdre de Montcaud, font le pari d’une proposition unique à la carte. Certains convives parlent de « Menu unique proposé au client » quand les autres évoquent plutôt une « carte blanche donnée au chef »… Libre à eux, car c’est bien là le seul choix que leur laissent ces établissements !

« L’accueil est extrêmement positif. Beaucoup de clients nous disent qu’ils n’auraient pas choisi tel aliment ou un autre s’ils ne s’étaient pas laissé conduire. Au fond, se diriger dans un restaurant où est proposé un unique menu, c’est aussi accepter de se laisser surprendre, parfois par ses propres a priori », estime Matthieu Hervé. « Cette démarche s’inscrit dans une expérience globale qui est celle du Château de Montcaud, et de sa prestation hôtelière 5 étoiles. Obtenir le macaron Michelin l’an dernier nous a décomplexé sur ce point que je souhaitais mettre en œuvre depuis un moment. Les clients acceptent plus facilement cette proposition de la part d’un restaurant référencé par le Guide Rouge », poursuit le chef.
« Notre choix, avec mon épouse Sandrine, est un peu différent », témoigne pour sa part Jean-Paul Lecroq. « Nous ne travaillons qu’à deux, que ce soit en cuisine, en salle, et à l’accueil. Nous nous devons d’être très complémentaires. Il nous faut de la réactivité, de la constance et de la complicité. En répétant le geste, nous n’en sommes que plus précis. Le fait de recevoir les clients au sein de notre maison (ousta, en occitan, ndlr), où la cuisine est ouverte sur la salle, leur fait également accepter le concept », détaille-t-il.

“Les personnes qui viennent dans nos maisons sont à la recherche de plaisir et de convivialité.”

Jean-Paul Lecroq

Chef gastronomique chez Ousta-Maï

Pour Jean-Paul Lecroq, qui a pris l’option d’une capacité restreinte (18 couverts), tout comme Matthieu Hervé (24 fourchettes maximum), l’autre figure imposée réside chaque mois dans la création d’un nouveau rendez-vous avec ses clients. « Pour être parfaitement exact, je modifie l’ensemble de la carte toutes les trois semaines. Cette période correspond notamment à la disponibilité et à la qualité de certains produits en saison… C’est aussi le temps qu’il faut pour ne pas me lasser d’un menu », sourit le chef.

À Montcaud, où le Cèdre est soutenu par l’activité de la brasserie, les choses sont moins figées, même si là aussi une temporalité de trois semaines est évoquée pour le remplacement complet de la carte. « En fait, il s’agit plutôt d’une évolution touche-à-touche qui fait que nous remplaçons in fine la totalité de la carte selon ce calendrier », précise Matthieu Hervé qui, autre spécificité, propose son menu unique… à l’aveugle ; en ce sens que les convives ne sont pas informés de la teneur du menu avant leur arrivée.

« Évidemment, les clients ayant un régime alimentaire spécifique sont invités à nous le préciser dès la réservation. Aujourd’hui, un client sur sept se dit intolérant au gluten. Alors bien sûr, nous nous adaptons« , pose le chef Hervé, rejoint dans son analyse par Jean-Paul Lecroq : « Il y a toujours une solution car les personnes qui viennent dans nos maisons sont à la recherche du plaisir et de la convivialité. » A la table d’Ousta-Maï comme sous le Cèdre, la contrariété n’a pas sa place.

“Un unique menu, c'est aussi accepter de se laisser surprendre.”

Matthieu Hervé*

Chef étoilé chez Le Cèdre de Montcaud*

Vivant au rythme des saisons et de leurs approvisionnements, les cuisines des deux chefs partagent leur temps entre planification de leurs aspirations avec la disponibilité de leurs fournisseurs, plénitude dans l’exécution de leur art, et renouveau de leurs propositions respectives.

Un travail en trois dimensions doublé d’une considération éthique omniprésente. Le travail à flux tendu sur les marchandises est aujourd’hui tant dicté par la volonté de ne pas gaspiller, que par le prix des matières premières de qualité, dont les cours se sont envolés au cours des dernières années. Au Cèdre de Montcaud, Matthieu Hervé pense ainsi intégrer à sa carte, pour un meilleur respect de la biodiversité, le crabe bleu de Méditerranée, espèce envahissante et ravageuse pour les moules, les huitres et les poissons juvéniles. À Ousta-Maï, le chef, qui ne dispose pas d’un grand espace de stockage, établit avec son fournisseur de viande un calendrier de maturation afin d’échelonner les livraisons. On ne fera pas changer Lecroq… de boucher.

Le Cèdre de Montcaud
Chef Matthieu Hervé*
À Sabran (à 15 minutes de Bagnols, 40 minutes d’Alès, 1 heure de Nîmes)
Ouvert du mardi au samedi, le soir uniquement. Menu à 118 et 165 euros.
Brasserie ouverte 7/7 midi et soir à partir de mai. Menu : 54 euros.

Ousta-Maï
Chef Jean-Paul Lecroq
11 rue des Pins, à Saint-Maximin (à 15 minutes d’Uzès, et 45 minutes de Nîmes et Alès)
Ouvert le soir du mercredi au dimanche ; et le midi du vendredi au dimanche.
Menu : 70 euros.

Partager