On peut rire de tout mais pas manger n’importe quoi
Propos recueillis à table par Guillaume Mollaret | Photographie Jean-Claude Azria
GARD AUX CHEFS : En référence aux films, côté cuisine, vous êtes plutôt L’Aile ou la Cuisse ou La Grande bouffe ?
Patrick Timsit : J’ai été grande bouffe pendant longtemps. Quand j’étais enfant, il y avait souvent deux poulets pour quatre au lieu d’un poulet pour quatre le dimanche midi. Quand on faisait le marché avec mon père, c’était toujours la même chose mais en grande quantité. C’est drôle d’ailleurs car même quand je faisais un régime dissocié, j’étais très monomaniaque et je mangeais du poulet presque tous les jours. Je viens de le comprendre en vous le racontant. Je suis un excessif. Je peux aller dans les quantités mais il faut que le produit soit bon mais ça peut être très simple. Je vais me régaler ce soir parce qu’hier j’ai mangé un bouillon de légumes et des endives sans être malheureux. J’ai fait du vélo… De toute façon, c’est ça ou bien je ne peux pas monter sur scène.
Pourquoi suivre un régime ?
Il y a eu un moment dans la vie où je faisais le yoyo. Le premier gros régime, je l’ai subi pour Pédale douce. Parce que tant qu’on appelle ça « régime », on subit. Du coup, j’appelle cela maintenant « hygiène de vie ». C’est plus simple à suivre et non à subir.
La production agricole gardoise vous aide-t-elle dans cette quête ?
Ça, je peux vous en parler des bons produits du Gard. En 30 ans, on a selon moi, mais je ne suis pas un expert, fait beaucoup de belles choses. Je fais mon marché le mercredi matin à Uzès… C’est franchement extraordinaire. Pour le vin, je dois être franc, je les découvre. Ce que l’on boit ce soir (des vins du pays uzétien : L’enclos de la Chance, Extrafragance en blanc, et Domaine Reynaud les Jardins d’Audrey en rouge, AOP Duché d’Uzès, ndlr), c’est vraiment très bon. J’aime également beaucoup le Tavel et le Lirac. Les vins du domaine de la Mordorée (présents sur les deux appellations, ndlr) sont exceptionnels. On mange ici de mieux en mieux.
Dans La Crise de Coline Serreau, où vous tenez un rôle, des ados font une tirade sur la vache folle et jettent le repas à la poubelle. ça reste terriblement dans l’air du temps pour une satire sortie en 1992, non ?
L’écriture de Coline Serreau est visionnaire. À l’époque, dans son alimentation, elle faisait déjà attention à ces choses alors que nous, autour, on rigolait… Aujourd’hui, on mange comme elle il y a 25 ans.
Quelle est votre dernière grande émotion à table ?
C’est au Meurice, à Paris, devant les pâtisseries en trompe-l’œil de Cédric Grolet.
Vous êtes donc un amateur de grande table ?
Je connais beaucoup de chefs qui sont devenus des amis. Il y a eu de belles rencontres. Je peux citer notamment Jean Bardet à Joué-lès-Tours. Il est difficile de trouver une table où manger tard en province. Et les chefs nous reçoivent toujours très bien, même s’il est tard. Je peux dire que même en journée, ils prennent le temps. Un jour, j’avais rendez-vous avec lui. Je suis entré à midi et reparti à 4 heures du matin après avoir visité des vignerons. Je suis aussi allé plusieurs fois chez Bocuse. Je connais le chef de la Table d’Uzès car il était avant au Vieux Castillon, à Castillon-du-Gard.
Cette rubrique s’intitule le goût des autres, comme le film nommé aux Oscars en 2001. Avez- vous ce goût des autres ?
J’ai toujours été franc du collier donc je ne peux pas avoir le goût des autres au sens de m’associer à eux pour avoir le même goût. Je n’ai jamais voulu être dans la tendance. Cela étant dit, ça ne me gêne pas d’être dans la tendance. En revanche, j’ai le goût des autres dans le sens où je suis très curieux.
On dit d’une blague qu’elle peut être de mauvais goût. En gastronomie, qu’est-ce que le mauvais goût ?
C’est le chichiteux. Voyez ce que nous avons dans l’assiette (daurade royale, galet surprise, lentin du chêne, bouillon de crevettes grises, ndlr) et bien on reconnaît toutes les saveurs. On sait ce qu’on mange. Ça, c’est le bon goût. Le mauvais goût, c’est le hashtag sur un plat parce qu’il a des belles couleurs. Regardez autour de nous. Ici, on a fait attention à la décoration, à la vaisselle. C’est simple et agréable. On ne nous embrouille pas l’esprit.
“Aller au restaurant seul, c’est se retrouver soi-même.””
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