Par NICOLAS PONZO | Photographie JEAN-CLAUDE AZRIA

Les producteurs camarguais ont obtenu voilà un an la reconnaissance d’appellation d’origine protégée pour leurs vignobles. Histoire d’une consécration.

Sable fin, soleil ardent, mer enjôleuse… l’éternel estivant qui somnole en nous est loin d’imaginer combien le terroir camarguais combine violence et fragilité, et combien la ténacité des vignerons permet de le préserver et le révéler.

Entre lagunes et marais salants, « les moines bénédictins de l’Abbaye de Psalmody, près d’Aigues-Mortes, produisaient déjà du vin au VIIe siècle. On retrouve également des traces de vignobles des sables dans des lettres du XV e siècle », explique Frédéric Arragon, le président du syndicat de la toute nouvelle AOP Sable de Camargue (lire encadré).

Depuis cette lointaine époque, le défi des vignerons face au sable et au sel qui menacent la survie de leurs cultures est permanent. « Nous avons hérité d’une gestion minutieuse de la circulation d’eau autour des parcelles, par le biais d’ancestrales roubines, qui consiste à conserver une fine lentille d’eau douce entre l’eau salée de la nappe et les racines de la vigne. Sans cette protection, les vignes seraient définitivement brûlées par le sel », détaille Frédéric Arragon. « Ensuite, pour contrer l’érosion éolienne ou la formation de dunes sur les ceps au premier coup de mistral, nous établissons un couvert végétal autour des vignes, et même entre les rangs de vigne tout l’hiver », poursuit le représentant des viticulteurs des sables qui complète : « Cette végétation favorise la régulation naturelle du sol et la sauvegarde de son intégrité. » Et comme rien ne se perd, cette herbe naturelle fait le bonheur des moutons dont les déjections durant leur hivernage fertilisent naturellement les sols.

C’est au prix de ce travail quotidien de préservation de l’équilibre du milieu que la magie opère. Magie de l’interaction entre le savoir-faire vigneron et ce terroir unique qui offre heureusement une douceur salutaire au cœur des été brûlants. En effet, précise le président Arragon, « les embruns matinaux porteurs d’humidité diffusent une micro-irrigation et apportent leur touche iodée, alors que les brises thermiques et la fraîcheur nocturne liées à la mer assurent une maturation fine et délicate des raisins ». Ces spécificités constituent la substance même de ce terroir singulier qui coule ensuite dans nos verres… une forme d’huile essentielle de Camargue.