En cheminant sur la Régordane jusqu’au bord du Mont Lozère
Par Agathe Beaudouin | Photographie Bruno Doan | Atelier Baie
Gard aux Chefs vous emmène bien au-dessus d’Alès, au Mas de la Barque, le long d’une voie historique majeure. Avec des haltes paysagères et gourmandes du côté de Génolhac, Chamborigaud ou Concoules, sans oublier une pause médiévale au château de Portes. Comme d’habitude, on oublie le stress urbain… mais pas son panier.
Préparez-vous à une exploration qui peut prendre une bonne journée, voire deux selon votre point de départ. Si vous venez de Nîmes ou de la plaine littorale, vous vous plairez à ce qui se profile déjà comme une immersion socio-temporelle en terre quasi-inconnue, susceptible de redistribuer vos cartes de l’histoire et de la géographie du département. Si vous arrivez du Vigan, d’Alès ou de Barjac, alors les familiarités seront plus nombreuses dans ce périple le long d’une des « sept veines » (les sept rivières ou vallées) dont l’étymologie populaire a fait les « Cévennes ».
Col de portes
Premier arrêt au col de Portes et son imposante forteresse médiévale, plus que millénaire, à une trentaine de minutes au nord d’Alès. C’est le spot monumental qui sert de pivot entre le petit et le gros orteil du Massif central, point de bascule vers les hautes Cévennes. Avec les enfants, la visite du château s’impose pour comprendre comment on décida d’imposer la construction de cet édifice, sur le chemin de Régordane, illustre et grande voie qui relie le Puy-en-Velay en Auvergne à Saint-Gilles en Camargue. Il fallait en effet défendre et surveiller cet axe commercial majeur où circulaient les hommes, le vin, le sel, le lait, la laine et le bétail, et dont les randonneurs ont fait plus tard leur autre chemin de Compostelle, le GR 700. Les pelouses qui entourent le château sont bien tondues : c’est l’œuvre des 45 chèvres d’Éric Girolet, éleveur et producteur de fromages situé à 500 m de là. Vous le trouverez au quartier Florac, en l’appelant avant, ou sur les marchés du samedi à La Grand-Combe et du dimanche à Chamborigaud. Et s’il est déjà midi ou pas loin, le Relais de Portes, sympathique restaurant-auberge-boutique-boulangerie rouvert il y a deux ans, tenu par un couple d’artisans bouchers tombés amoureux du coin, sera impeccable pour une pause repas au pied de la forteresse.
Chamborigaud
On poursuit la route par la vallée du Luech, affluent limpide de la jolie Cèze, direction le pays de Chabrol et son village natal, Chamborigaud. Avec André Chamson en pays viganais et Jean-Pierre Chabrol de ce côté-ci, on tient les deux grandes plumes qui ont magnifiquement décrit les Cévennes, terre de refuge et de résistance, sans doute avec plus de profondeur que Stevenson et son fameux quoiqu’au final assez exotique Voyage avec un âne dans les Cévennes.
Outre son marché dominical et son imposant viaduc qui rappelle les grandes heures ferroviaires et minières de nos montagnes, il faut s’arrêter à Chamborigaud en trois endroits : d’abord chez Maud et Stéphane, maraîchers bio en permaculture qui reçoivent entre juin et septembre et dont on retrouve les pickles de légumes à la boulangerie locale, les fruits et légumes à Génolhac (La Lausete et l’épicerie de la Régordane) et les plantes aromatiques au petit resto du coin le Bouchon cévenol. Ensuite, une fois n’est pas coutume, on fait une halte au… Spar, ce type de supérette aussi essentielle, en terre rurale, que le maintien d’une classe d’école. Son gérant Jonathan, lui-même revendeur de fromages et de charcuterie sur les marchés, réunit sur ses étals près d’une trentaine de producteurs régionaux : « On est une étape obligée pour ceux qui vivent au pays ou montent vers les hauteurs en quête de produits du coin ! », dit-il dans un sourire. Le troisième lieu en cœur de village, malheureusement bientôt fermé pour un nouveau départ vers l’Auvergne, est l’Atelier de fermentation, une micro-brasserie où, comme le souligne la maraîchère Maud, « il faisait si bon boire et manger chez Edward », le paysan brasseur d’origine anglaise.
Concoules
Avant d’attaquer la route tout en lacets vers le Mas de la Barque, on vous recommande un détour par le village de Concoules et une incontournable pépite : l’Esat de la Cézarenque, à la fois établissement d’insertion, lieu de travail pour 90 personnes handicapées, ferme agricole, atelier de transformation et, en aval de cette solide organisation sociale, foisonnante boutique de terroir avec en prime un bel étal de pâtisseries et chocolats maison. À l’image de son homologue de la Pradelle à Saumane, en vallée Borgne, c’est le type d’endroit bien pensé, imaginé dès les années 1970 par des militants associatifs cévenols et des acteurs du secteur médico-social. Il fait toujours bon y découvrir et admirer cette capacité des équipes à conjuguer utilité sociale, réponse aux besoins alimentaires et animation de tout un territoire.
Mas de la Barque
Et voici l’étape lozérienne de notre périple, posé à plus de 1 400 m d’altitude, aux bords de ce mont Lozère qui ose toiser de plus de cent mètres notre Aigoual gardois. Piste de ski alpin créée en 1965, le Mas de la Barque s’est peu à peu converti en station de pleine nature toutes saisons. Le lieu propose de confortables gîtes bâtis en granit, une auberge et une boutique de terroir. Point de départ de multiples randonnées aux points de vue grandioses sur la Méditerranée et la montagne, le Mas de la Barque est connu pour arpenter l’hiver 28 km de pistes de ski de fond, quand bien sûr la neige daigne s’inviter sur ses pentes.
Génolhac
Sur le chemin du retour, à moins que vous n’ayez prix l’option d’y passer d’abord, vous apprécierez le village de Génolhac, où, comme à Chamborigaud et dans les Cévennes en général, l’impression d’une petite cité endormie, perdue dans l’espace-temps, sera toujours présente. Ce n’est toutefois qu’un demi-sommeil dans une de ces vallées cévenoles autrefois bien industrieuses et fort peuplées, marquées par l’histoire de la mine, de l’élevage du ver à soie et des usines à tanins. Terre de solidarités, à Génolhac comme dans les autres vallées, des femmes et des hommes continuent de faire vivre leur pays. N’hésitez pas à les rencontrer lors du marché du samedi matin, ou à la Lausete, très bonne boutique paysanne coopérative, ou encore à l’épicerie de la Régordane, autre poumon de la vie locale.
Col de portes
Eric Girolet
Fromages et tommes de chèvre
Quartier Florac à Portes
Tél. 06 62 42 96 89
Le Relais du château de Portes
Au pied du château
Quartier Florac à Portes
Tél. 04 66 86 87 98
Chamborigaud
Maraîchage bio Auguste & Laurette (Stéphane Marchand et Maud Massé)
44 rue Basse, Chamborigaud
Tél. 06 66 04 34 71
Supérette SPAR
Place de la mairie, Chamborigaud
Tél. 04 66 83 72 13
L’Atelier de fermentation
Micro-brasserie
8 route de Villefort, Chamborigaud
Tél. . 06 84 29 72 52
Concoules
La Cézarenque
Esat, atelier agroalimentaire et boutique terroir (petite restauration en été)
Route de Villefort, Concoules
Tél. 04 66 61 10 52
Mas de la barque
Le Mas de la Barque
Station de pleine nature, village de gîtes, auberge (réouverture printemps 2026), randonnées, promenades à cheval, ski de fond, etc.
Commune de Vialas
Génolhac
La Lausete
Boutique paysanne
10 rue Pasteur, Génolhac
Tel. 04 66 54 02 38
Épicerie de la Régordane
6 grand-rue, Génolhac
Tel. 09 81 08 87 05
Et aussi…
Le Jardin du Tomple à Concoules, un très beau jardin d’un hectare planté de 5 000 espèces végétales.
Découverte de la flore possible avec Prune, la fille des propriétaires. 06 48 69 04 27.
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