Chair et matière : à table avec les rosés d’hiver
Par Nicolas Ponzo | Photographie Caroline Hernandez
Le vin rosé ne saurait demeurer cantonné dans un rôle d’accompagnement léger et rafraichissant des mets d’été. Certains sont même taillés pour l’hiver. Découverte.
La cuisine d’hiver appelle des vins capables d’équilibrer le gras (sauces crémées, bouillons mijotés) sans écraser les saveurs, des vins charnus et sapides, à structure tanique fine et marqués d’une finale fraiche.
Deux familles de rosés remplissent ce cahier des charges. Les rosés de gastronomie, dont Tavel et Lirac donnent la mesure, sont taillés pour la table : grain phénolique fin, profondeur, notes de fruits cuits, d’épices douces, de sous-bois. Ils s’accordent à une pintade rôtie aux choux, une épaule d’agneau confite, un médaillon de veau aux girolles, comme à un poulet-frites dominical quand on veut monter le plaisir d’un cran sans alourdir le palais.
Rosés de gastronomie
- Château de Montfaucon 2024, Lirac : puissant, texture ronde et charnue, notes de fruits, garrigue et épices
- Château l’Ermite d’Auzan, Sainte-Cécile 2024, Costières de Nîmes :
ample, très gourmand, sur les fruits rouges vanillés, avec une touche de sauge et de cade - Château Mourgues du Grès, Capitelle ambré, Costières de Nîmes :
nez de coing, vanille et eucalyptus, salivant, marqué par une touche de macération et d’oxydation très maitrisées - Domaine d’Aquéria, Héritage 2023, Tavel : fluide, vineux, notes de sous-bois, texture soyeuse
- ♥ Domaine de la Mordorée, Reine des Bois, Tavel : délicat, fin, voluptueux, élégant. Un grand rosé qui fait référence en matière de gastronomie !
Rosé transversal
- ♥ Château d’Or et de Gueules, Les Cimels 2024, Costières de Nîmes : frais et gras, long, salivant, finale saline, notes de framboise, pastèque, abricot. L’archétype du rosé contemporain tirant la nappe à lui, moderne dans sa facture et abouti dans son ambition.
Face à eux, des rosés patinés par quelques mois supplémentaires en bouteille, glissent de l’apéritif à la cuisine d’intérieur. Comme le résume Frank-Lin Dalle du Château de Campuget : « On se régale l’hiver avec un rosé gourmand : leur douce évolution dans le temps offre des fruités moins exubérants et des tanins plus ronds pour réconforter les sens au cœur de l’hiver. »
La preuve par les mets : de la Tatin d’oignons doux des Cévennes, vieux cantal et noisettes au Croque au comté affiné, poitrine fumée et pickles de chou rouge, en passant par l’incontournable Saumon grillé et légumes d’hiver, tous jouent d’harmonieux accords autour de ces rosés patinés, sapides et salins.
Rosés patinés
- Château Beaubois, Élégance 2024, Costières de Nîmes : à la fois aérien, souple et vineux, expressif sur le fruit, finale acidulée aux notes de biscuit rose
- Château de Campuget, 1753, IGP Gard : nez puissant de poire et zestes de pamplemousse, bouche ample rehaussée d’amers sapides en finale
- ♥ Château de Panery, La Madone, Duché d’Uzès : enjôleur, marqué par son élégant élevage sur un caractère agrumes-vanille
- Château Valcombe, Pastel 2024, Costières de Nîmes : nez juvénile sur la clémentine, le citron, avec une pointe d’hibiscus, bouche souple, finale fraîche
- Domaine Chabrier, Campradel 2024, Duché d’Uzès : nez fruité mûr agrémenté d’une expression végétale, chaleureux, ample finale vineuse
- Domaine de Malaïgue, Pétronille 2024, VDF : marqué par sa grande buvabilité, sur les petits fruits rouges et la réglisse, finale vineuse et saline
- Domaine des Maravilhas, Alice 2023, VDF : élégant et frais, nez floral et fruité qui évoque les pâtes grises de réglisse, finale acidulée
♥ = Coup de cœur de la rédaction
À table on les sert plus chauds qu’en été, dans un verre un peu plus large, après une brève aération : le vin gagne en tenue, la texture se déplie, de fins amers se révèlent. Mettre le rosé à table en hiver, c’est lui rendre ses lettres de noblesse : un vin de cuisine, précis, capable d’allier plaisir et netteté.
“Les mets de fin d'année permettent de révéler leurs fins amers.”
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