Pêcheur militant, Mathieu Chapel dirige la société de pêche Côté Fish, première plate-forme méditerranéenne de commande en ligne de poisson ultra-frais. Il fournit aussi une quarantaine de chefs étoilés à travers la France.

Un franc-parler, un gabarit échappé d’une équipe de rugby et une belle détermination. À 31 ans, Mathieu Chapel dirige depuis 2017 l’entreprise Côté Fish, au Grau-du-Roi. Lui-même est un roi aussi modeste que convaincu du petit métier, formé patiemment à cette pêche artisanale dont les bateaux de moins de douze mètres ne portent pas préjudice aux stocks de la Grande Bleue. À la tête d’une équipe d’une dizaine de personnes, il croule sous le travail. Son credo, c’est une pêche de militant. Pas celle du chalut implacable qui emprisonne le maximum de prises, plutôt celle d’un marin citoyen du monde, soucieux du bon état de la ressource. « Sur d’autres mers, de gros chalutiers partent sept jours pour ramener 100 tonnes de poisson. Nous on quitte le port le soir à 21h30 pour revenir vers cinq heures du matin et on parle en kilogrammes. »

Ses méthodes de pêche douce empruntent à la tradition japonaise du « korjimé » et de « l’ikéjimé », des techniques ancestrales qui endorment les poissons sur la glace et, par un geste clinique appliqué un par un, leur évite une mort lente par asphyxie. La qualité, la texture et le niveau de conservation s’en trouvent renforcés.

Travaillant à ses débuts pour les particuliers qu’il livre du jour pour le lendemain via son site internet, Mathieu Chapel fait bientôt la rencontre du chef Pierre Gagnaire, à Nîmes, qui l’encourage à s’ouvrir aux professionnels. Le pas est franchi, avec succès, « on livre aujourd’hui une quarantaine de chefs qui réunissent une soixantaine d’étoiles », dont les Gardois Sébastien Rath et le double étoilé Michel Kayser. Côté Fish a également remporté l’appel d’offres « poissons » des cantines des lycées d’Occitanie –« C’est très encourageant de voir des collectivités locales s’emparer de la question de la qualité »-, mais elle ne renie rien de ses origines en continuant de vendre chaque matin le produit de sa pêche sur le quai Colbert au Grau-du-Roi. De l’ultra-frais en circuit ultra-court, de la mer aux étoiles : quand il est engagé, le labeur finit toujours par payer.