Manuel Amoros : « Après les matchs, nous faisions le plein de fruits de mer »
Propos recueillis à table par Guillaume Mollaret | Photographie Jean-Claude Azria
International aux 82 sélections, Champion d’Europe en 1984 avec les Bleus, et avec l’OM en 1993, l’ancien footballeur, nîmois de naissance, aime faire bonne chère et se révèle aussi fin cuisinier. Rendez-vous au Skab chez Damien Sanchez*.
Gard aux Chefs : L’alimentation des sportifs est aujourd’hui pesée et contrôlée. Qu’en était-il durant votre carrière entre 1977 et 1996 ?
Manuel Amoros : J’ai eu la chance, comme tous les joueurs de mon époque, de ne pas connaître de restriction nutritionnelle durant ma carrière de footballeur. Il nous arrivait, en équipe, de boire du vin rouge à table à midi alors que l’on jouait le soir ! C’est aujourd’hui inimaginable. De même, il n’était pas encore rentré dans les mœurs de ne pas manger trop de viande rouge.
Nous mangions donc un peu de tout, mais il est vrai aussi que les tentations de manger dans un fast-food étaient moins nombreuses… tout simplement parce qu’il y avait moins d’offre en la matière. À Monaco (1980-1989), nous avions un ami qui avait une pizzéria et on finissait souvent chez lui. À Lyon (1993-1995), je me régalais d’aller aux halles après l’entraînement. Quand je l’appelais un peu en avance, l’un des étaliers me cuisinait de la cervelle avec une préparation maison… Qu’est-ce que c’était bon !
Vous êtes donc plus viande que poisson ?
Oui ! Viande et vin rouge plutôt que poisson et vin blanc. Je connais surtout les vins de Bordeaux pour y avoir de nombreux amis mais aujourd’hui, vivant près d’Avignon, je me recentre sur la vallée du Rhône. Par ailleurs, je pêche et je chasse mais je ne me considère pas comme un prédateur. Si je ne remonte rien de ma ligne ou que je ne croise pas de gibier, ce n’est pas grave.
Ce que j’aime, c’est la convivialité entre collègues. Courant novembre avec des amis, nous allons partir en Lozère pour préparer le cochon. Nous allons pousser nos saucisses, faire les boudins… Dans la bande, il y a un boucher qui va nous apprendre à réaliser tout cela. Et puis, ce cochon, nous allons aussi le cuisiner. J’ai hâte d’y être. Il y a une vraie satisfaction à réaliser les choses soi-même.
“J'ai eu la chance de ne pas connaître de restriction nutritionnelle durant ma carrière de footballeur.”
Pour revenir au football, avez-vous le souvenir de certains repas d’après match ?
Avec l’équipe de France, après chaque match, nous faisions le plein de fruits de mer. Un énorme plateau nous attendait à l’hôtel. Il s’agissait de refaire le plein d’iode afin de favoriser la récupération. Bien que je préfère les produits de la terre aux produits de la mer, j’en conserve un souvenir agréable. L’autre anecdote qui me vient en tête remonte à 1981. J’étais à l’armée. J’ai disputé la Coupe du Monde militaire au Qatar. Quand vous vous figurez ce pays, n’imaginez pas le Qatar d’aujourd’hui.
Lors de la réception d’après tournoi, était présenté un énorme méchoui avec de la semoule… Mais il n’y avait pas un seul couvert ni aucune assiette. Manger avec les doigts, ce n’était pas un problème pour les locaux dont c’est la culture mais dans notre équipe (La France était la seule équipe européenne, ndlr)… personne n’a osé toucher au buffet.
Comment s’est faite votre rencontre avec la gastronomie ?
Je l’ai découverte à partir du moment où je suis sorti un peu du monde du football. Au-delà de l’expérience gustative, j’apporte un plaisir particulier à observer le dressage. Cette finesse, c’est ce qui rend un plat appétissant. De fait, dans un repas tel que celui que nous dégustons aujourd’hui, même si la faim n’est pas là… on mange tout, malgré tout. J’admire cet art de la présentation. A la maison, c’est moi qui cuisine. J’aime cuisiner en quantité mais le dressage… je ne sais pas faire !
Né à Nîmes, vous n’avez jamais porté le maillot des Crocos. Pourquoi la chose ne s’est-elle jamais faite ?
Jeune, je jouais à Lunel. C’est lors d’un match, j’avais 15 ans, que j’ai été repéré par Monaco. Nîmes Olympique a bien voulu de moi mais une fois seulement que j’ai eu signé dans la Principauté. C’est ainsi. Je regarde cependant les résultats du club et je trouve dommage qu’il soit dans cette situation alors que Nîmes est une ville de football. Malheureusement, les présidents de club aujourd’hui sont des gens qui cherchent davantage à faire du business que du football.
“À la maison c'est moi qui cuisine.”
Le repas s’achève. Quel plat, parmi les quatre servis ici, vous a le plus marqué ?
Sans hésiter, le tournedos de chevreuil et la sauce grand veneur qui l’accompagne. Le vin rouge, qui s’est d’ailleurs aéré entre le premier et dernier coup de fourchette, allait très bien avec également. Le gibier, c’est sans pareil. Peu de restaurants en servent en raison des normes à respecter pour proposer un véritable produit de chasse. C’est pourquoi, j’associe le gibier à des moments de partage, entre amis et en famille. Je conserve de certains d’entre eux des souvenirs fameux et très précis.
Restaurant SKAB
7, rue de la République à Nîmes
Chef Damien Sanchez (1 étoile),
Sommelier : Stéphane Stoetzel,
Directrice de salle : Séverine Sanchez.
Ouvert du mercredi midi au samedi soir et le mardi soir.