Duo de Chefs

Sanchez* – Francin, La République des gourmandises

par Guillaume Mollaret | Photographie Jean-Claude Azria

Le chef Damien Sanchez*, et les chefs-pâtissiers Laure et Pierre Francin, partagent à Nîmes la même rue, à proximité immédiate du Musée de la Romanité. C’est également dans ce quartier que le trio s’est formé professionnellement.

Adolescent, le 7, rue de la République intriguait déjà Damien Sanchez*. Derrière la vitrine teintée de ce qui est aujourd’hui son restaurant le Skab, étoilé Michelin dès 2017, se dressaient à l’époque les tables du restaurant le Petrus. Un nom de grand cru bordelais pour un établissement inaccessible à l’époque aux bourses du collégien de St Jean-Baptiste de La Salle. « Je me souviens qu’il y avait de grands rideaux en tissus gris. Cette devanture, qu’on jugerait aujourd’hui sans doute un peu surfaite et rococo, m’a toujours irrésistiblement attiré », se remémore Damien Sanchez*.

“Je suis heureux de faire vivre cette cuisine à mon tour””

Sanchez

Damien

« C’était atypique, mais tout le monde en parlait en bien. Mon petit regret c’est de n’y avoir jamais mangé. Je suis heureux de faire vivre cette cuisine à mon tour. C’est important de conserver la vocation d’un lieu de gourmandise », ajoute celui qui a réalisé sa formation au restaurant d’application L’Étincelle (lycée Voltaire), comme, avant lui, le chef nîmois Jérôme Nutile*, meilleur ouvrier de France, et son ami Mario Monterroso, patron de L’Amphitryon à Castillon du Gard. À chaque temps du repas, c’est dans les jus, les sauces et les sorbets que s’exprime le talent de Damien Sanchez*. Dans ses desserts, ronds et frais, le sucre est réduit à son expression naturelle tandis qu’une pointe acidulée vient souvent relever cette dernière touche du repas.

“Les gens viennent d’abord chercher chez nous le dessert rassembleur ””

Laure

Francin

« C’est ce qui est intéressant avec la pomme Reinette du Vigan. En tatin (lire page 14), elle donne un petit coup de fouet sans prendre le dessus sur cette note gourmande qui doit ponctuer chaque dessert », décrit le chef qui saupoudre sa tatin d’Atsina Cress, une pousse au discret parfum d’anis et de réglisse. « La Reinette du Vigan, c’est un fruit qui a du caractère et une acidité marquée. On ne peut pas la proposer n’importe comment. Cuite, elle est idéale pour la tatin car elle casse le sucre du caramel », analyse à son tour la pâtissière Laure Francin (lire recettes p.15), originaire des Cévennes et fière de ce patrimoine. Avec son compagnon Pierre, Laure a installé la Pâtisserie Francin au numéro 25 de la rue de République. Une adresse avec laquelle ces deux artisans nourrissent également une histoire particulière puisque c’est là qu’ils ont achevé leur apprentissage. L’atelier appartenait alors à Frédéric Anton, un homonyme du chef parisien, MOF et triplement étoilé Michelin du Pré Catelan. « Après le CFA de la Chambre des Métiers du Gard, nous sommes partis à Paris pendant trois ans pour faire notre expérience chez Philippe Conticini (l’inventeur de la verrine que connaissent bien les téléspectateurs du Meilleur Pâtissier sur M6, ndlr), et le MOF Angelo Musa qui est aujourd’hui le chef pâtissier du Plaza Athénée. Durant ce laps de temps, la Pâtisserie Anton avait été reprise mais l’affaire n’avait pas fonctionné. Nous connaissions l’outil de travail et la qualité de l’emplacement. C’est ce qui a guidé notre choix de le reprendre en 2014 », détaille Pierre Francin. Sous la houlette du couple, la pâtisserie reprend vie. Elle emploie aujourd’hui 14 personnes dont 6 apprentis, apportant un vent de fraicheur sur la rue de la République. Plus qu’une histoire de voisinage, c’est celle d’une amitié qu’écrit aujourd’hui le trio formé sur cette artère par Laure, Pierre et Damien. Une République des gourmands ose-ton affirmer alors que le Wine Bar de Michel Hermet se trouve dans leur prolongement. Pendant les périodes de confinement, synonymes de fermeture imposée aux restaurants, Damien Sanchez*, qui emploie 19 personnes, a envoyé son apprenti pâtissier Mathis Jeannot, en stage chez les Francin afin qu’il ne perde pas la main. « Au restaurant, il faut monter à la minute alors qu’en pâtisserie c’est la cadence et la régularité qui priment. Ce sont deux exercices vraiment différents », ose timidement le jeune homme. « Bien que l’on propose des originalités et des recettes qui nous sont propres telles que L’Harmonie*, les gens viennent d’abord chercher chez nous le dessert rassembleur. Par rapport à un restaurant, on ne peut pas travailler sur quelque chose de déstructuré ou des sorbets car il faut penser au transport », détaille Laure Francin. « Au restaurant, nous avons davantage de possibilités car les clients cherchent la surprise et la beauté de l’éphémère. Chez les Francin, on va chercher le plaisir enfantin et une forme de certitude », salue Damien Sanchez* qui, pour le repas annuel du personnel, tout comme ses repas entre amis, se sert chez ses voisins.
Au 7 comme au 25 de la Rue de la République, la gourmandise se définit comme une envie simple : celle d’y retourner. •

Le Skab, chef Damien Sanchez*
7, rue de la République à Nîmes
Tél. : 04 66 21 94 30
www.restaurant-skab.fr

Pâtisserie Francin, Laure et Pierre Francin
25 rue de la République à Nîmes
Tél. : 04 66 76 04 20
www.patisseriefrancin.fr

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