Escapade

Ponteils-et-Brésis cultive l’art de vivre au rythme des saisons

La cueillette des châtaignes et des champignons

Par Agathe Beaudouin | Photographie Bruno Doan | Atelier Baie

Dans ce village de 300 âmes en Hautes-Cévennes, plus un seul commerce n’est ouvert. Sur ce territoire reculé, au carrefour du Gard, de la Lozère et de l’Ardèche, les habitants cultivent un certain art de vivre, loin, très loin, de la société de grande consommation.

Le thermomètre faiblit sur les hauteurs du Mont-Lozère, mais le soleil, lui, persiste. En ce mois de septembre, où les épisodes cévenols ont si souvent joué de mauvais tours à cette vallée dite de la Cèze, il flotte cette fois-ci la bonne humeur. La belle saison joue les prolongations, même si, sur place, les volets des maisons qui ne vivent qu’en été, sont déjà refermés. Là-haut, au nord d’Alès, à presque deux heures de Nîmes, et à mille lieues de la Camargue, une autre facette du département se dévoile ! Frôlant l’Ardèche et la Lozère, mais bien enracinées dans la terre gardoise, ces Hautes-Cévennes ne s’atteignent que par des routes sinueuses et étroites, bordées de pins aux troncs si hauts qu’on les imagine toucher le ciel. Des restaurants en bord de route ne reste bien souvent qu’une enseigne défraîchie. Dans ce paysage rural de petite montagne, des maisons en pierre et leur toit de lauze se distinguent parfois au milieu d’un océan d’arbres, le plus souvent des pins. Il y a de la vie, mais elle s’écoule de manière discrète et silencieuse.

Les villages se composent de hameaux, et de Bordezac à Malons, en passant par Ponteils-et-Brésis donc, ou Aujac, tous doivent composer avec une même caractéristique : les commerces de proximité n’ont pas résisté à l’exode rural, ni les écoles. Toutes et tous ont fermé. Vivre dans cet environnement, sous le regard permanent du Mont-Lozère, c’est avant tout adopter un rythme de vie basé sur les richesses naturelles de l’environnement.

Les tomates font de l’œil aux randonneurs

À Ponteils-et-Brésis, les habitants savent tout faire, à commencer par le jardinage. Alain, Martine, Andrée, Monik ou même les jeunes et derniers arrivés, Clément et Florine, cultivent leur terre, en toute saison. Cela fait partie du pack « vivre en Hautes-Cévennes » ! L’art – et plus encore la nécessité – du jardinage s’est transmis de génération en génération sur des parcelles pouvant être étroites, à flanc de collines, qui se laissent admirer par les randonneurs du chemin de la Régordane*. Des pommes de terre et des courgettes, des citrouilles et des salades, des poireaux, des oignons… Jean-Pierre Boutonnet, dans son hameau de Planzolles, n’hésite jamais à faire goûter ses tomates aux marcheurs qui longent, l’été, son jardin en observant avec des yeux gourmands les trésors de la terre.

“Adopter un rythme de vie basé sur les richesses naturelles de l’environnement.”

Des cépages qui veulent sortir de l’ombre

Dans cette région de résistance, les habitants entretiennent leur lopin de terre avec un plaisir non dissimulé et ce n’est pas Gilbert Bischeri, ambassadeur des cépages oubliés dans le village d’en face, qui dira le contraire. À Aujac, le Gardois entretient une parcelle témoin, avec plus de 30 cépages interdits à la commercialisation sous l’appellation « vin » depuis 1934. Et si certaines variétés viennent tout juste d’obtenir la possibilité d’être commercialisées pour les vendanges 2024 sous l’étiquette « boisson à base de jus de raisin fermenté », le Cévenol fait partie de ceux qui continuent de se rebeller pour obtenir une véritable reconnaissance : « Ces cépages, qui sont ultra résistants aux maladies et au réchauffement climatique, ont été sauvés par nos aïeux qui ont refusé de les arracher. C’est notre histoire, notre héritage culturel, une identité des Cévennes », rappelle Gilbert Bischeri.

À Ponteils-et-Brésis, Christian Boschet l’a bien compris. Lui aussi produit, chaque année, au nom de son père, une cuvée pour la consommation familiale à base de cépage Clinton. Il a aussi choisi de remettre en état une châtaigneraie, symbole des Cévennes aujourd’hui en voie de disparition.

Les plaisirs de la cueillette

Si la châtaigneraie perd de sa superbe dans ces Hautes-Cévennes, un loisir collectif, accessible à tous mais là aussi, qui se pratique en toute discrétion, revient d’une année sur l’autre. Cette fin septembre n’y échappe pas : les cueilleurs de champignons sont au rendezvous. Chanterelles, cèpes… En direction du Rocher communal, près de Concoules, ou du Mont Lozère, et même en empruntant le sentier du col du Mas de l’Ayre, sur ce territoire qui regorge de circuits de randonnées, les balades promettent de belles récoltes aux ‘‘épicurieux’’… Tout du moins ceux qui auront l’œil assez vif pour remplir leur besace !

*Le chemin de la Régordane est un sentier de grande randonnée GR®700 reliant le Puyen-Velay à Saint-Gilles, au sud du Gard.
À lire : Un coin de terre en Cévennes. Ponteils-et-Brésis, Carnet de voyage, Agathe Beaudouin. Photographies : Bruno Doan. 176 pages. Edition Atelier Baie