Escapade

Lédenon, entre arbres fruitiers, garrigue et gibier

Textes et photos Julien Claudel

À une quinzaine de kilomètres à l’est de Nîmes, direction Avignon, le village s’expose plein sud entre un paysage de plaine drainé par le Rhône et cultivé depuis des lustres, et un plateau de garrigue épaisse où prospèrent petit et gros gibier, pour le bonheur des chasseurs.

Drôle de nom, Lédenon. Dans une monographie¹ consacrée à ce village qui borde la plaine nord des Costières, l’auteur Damien Ortega évoque que la commune se serait d’abord appelée « Montcul », ce qui, vous en conviendrez, n’eut pas été le meilleur moyen définitif de gagner le respect de ses voisines mieux nommées Saint-Gervasy, Bezouce ou Poulx. Une influente duchesse de passage s’en serait confiée dans des correspondances, indiquant qu’elle trouvait ce patronyme bien « laid de nom » . On retrouvera ce surnom plus tard dans certains actes juridiques… L’autre origine possible résiderait dans un « legs de nonnes », une donation des propriétés éparses qui maillaient le territoire et appartenaient à une communauté religieuse. Mais on disait ces nonnes si pingres qu’il ne semble pas envisageable de leur attribuer un tel élan de générosité.

Reste alors la légende antique, sans doute plus proche de la vérité, venue d’un dieu topique, c’est-à-dire honoré localement, et qui portait le nom de Lettino, protecteur de la source communale.

Peuplé d’un peu moins de 1 800 âmes, Lédenon est posé sur le flanc sud d’une barrière calcaire, donc protégé du mistral qui aime souffler à pleins poumons dans le coin, mais assez exposé au vrombissement des bolides qui s’ébrouent le week-end sur le fameux circuit automobile né au début des années 1970, juste derrière le sommet du village. « On finit par s’habituer et on sait bien qu’habiter à Lédenon, c’est accepter de côtoyer les amateurs de course », résume un habitant qui vit dans un quartier en hauteur, au pied de l’imposant château médiéval. Ce dernier est l’attraction majeure de Lédenon, même s’il est privé et fermé aux visiteurs. On le date du XIIème siècle. Bâti sur le roc, il contemple au loin le Ventoux et la vallée du Rhône et, plus près, une plaine agricole fertile. Entaillée de solides haies brise-vent, elle occupe depuis des siècles les bras locaux, avec l’exploitation de la vigne, les oliveraies et l’arboriculture. N’est-ce pas à deux pas qu’est née la fameuse variété de l’abricot rouge de Sernhac ?

“Le village compte quelques vestiges de tunnels et de canaux romains, enfouis toutefois sous les cultures ou recouverts d’une épaisse végétation méditerranéenne”

Alors que la plaine s’étale à ses pieds, Lédenon se laisse gagner sur ses premiers contreforts par un paysage de garrigue, lieu de balade familiale prisé des habitants et départ de quelques randonnées dont l’une mène, en moins de trois heures, au Pont du Gard. L’occasion de rappeler que le symbole de la romanité gardoise était la pièce maîtresse d’un aqueduc, long d’une cinquantaine de kilomètres. Il conduisait en pente très douce l’eau puisée aux sources de l’Eure, au-dessus d’Uzès, jusqu’au débouché du castellum divisorium nîmois, lequel est toujours visible au 16 rue de la Lampèze, dans le quartier de la Révolution.

Comme d’autres avant et après lui, le village de Lédenon compte quelques vestiges de tunnels et de canaux romains, enfouis toutefois sous les cultures ou recouverts d’une épaisse végétation méditerranéenne.

L’autre activité qui distingue Lédenon est sans aucun doute la pratique de la chasse. La société Saint-Hubert compte une soixantaine d’actionnaires, qui s’investissent largement dans l’aménagement du territoire. Elle s’est d’ailleurs vue attribuer cette année le prix du concours « Actions cynégétiques » par la Fédération départementale de la chasse. Au côté des agriculteurs, les chasseurs installent des clôtures pour protéger les champs de l’intrusion des sangliers, toujours plus nombreux. Ils entretiennent les sentiers et rouvrent les milieux naturels gagnés par la friche. Ils participent à maintenir une bonne diversité d’espèces, en posant des abreuvoirs durant les périodes de sécheresse ou en organisant, hors période de chasse, des lâchers de repeuplement de faisans, de perdreaux et de lièvres communs. Avec du bois, de la terre, ils créent aussi des sortes de gîtes naturels (des garennes artificielles) pour les lapins, en vue de favoriser leur reproduction. « Au-delà de l’aspect convivial de la pratique entre passionnés, la chasse a toujours été un partenaire du développement local, confirme Alain Belmonte, président de la Saint-Hubert. Ceux qui la montrent du doigt, finalement, n’en connaissent pas la culture ni les apports sur le territoire. Sans nos interventions, il serait bien difficile de pratiquer le VTT ou de se balader en forêt, et d’ailleurs les promeneurs et pratiquants de sports nature le savent bien, ils nous saluent quand on se croise sur le terrain ». La chasse, une pratique écologique au chevet de la faune et des milieux naturels ? Même si ce type d’affirmation fait souvent grincer les esprits citadins, elle trouve une bonne illustration à Lédenon.

 

¹Damien Ortega :  » Lédenon, un village des garrigues nîmoises « , éditions de la Fenestrelle.