Le Goût des Autres

Je ne mange jamais pendant un spectacle

Propos recueillis par Guillaume Mollaret | Photographies Jean-Claude Azria

François Morel

Le comédien et chansonnier, également chroniqueur sur France Inter, a assuré les trois dates d’ouverture de la saison du Théâtre de Nîmes. Il était accompagné de son musicien et compositeur Antoine Sahler. Mais ce midi, c’est Michel Kayser, deux étoiles au Guide Michelin, qui était au piano.

Dans votre dernier spectacle, Tous les marins sont des chanteurs, vous chantez, « Un jour, il n’y aura plus de poissons dans la mer ». Est-ce une vraie inquiétude ?
Bien sûr que c’est une inquiétude ! Mais pour être tout à fait sincère, je n’ai pas écrit cette chanson. Ces mots sont de Gérard Mordillat. Personnellement, j’ai du mal à décrire une situation de manière aussi frontale. Travailler avec d’autres auteurs me permet donc de dire des choses que je n’aurais pas dites aussi clairement. Sur la fin des poissons, il y a clairement un sujet.

Au point de remettre en cause votre consommation ?
(Il hésite) Je ne sais pas… Un peu quand même. Quand je vais chez le poissonnier, je veille à ne pas acheter, par exemple, de thon rouge. Je lis les journaux et je me dis que pour certaines espèces, il faut faire attention. Cependant, je suis aussi plein de contradictions, alors je fais surtout comme je peux. Et je dois sûrement faire des erreurs. (Ironique) Enfin, non, en fait, j’en fais très peu !

Balade automnale dans les bois : petit mousseux de champignons masquant une crème glacée à l’épeautre, une petite pâte de cèpes et brunoise de champignons agrémentée de pomme granny.

Vous aviez présenté une émission La France aux fourneaux, diffusée sur France 5. Qu’est-ce qui vous a le plus interpelé dans ces histoires de cuisine ?
Tout était assez passionnant, notamment sur comment notre approche de la cuisine a changé en 50 ou 60 ans. Quand on voit ce que l’on mangeait aux communions à une époque, notamment. Notre rapport à l’alcool aussi a changé. Saviez-vous qu’il y a quelques décennies, on servait du vin dans les cantines ? Les enfants avaient droit à une carafe après trois bons points Louis Pasteur… On s’étonnait alors à l’époque que les enfants étaient moins concentrés l’après midi…

Tartare de crevette à l’huile d’amande et à la ciboulette, accompagné d’un volet de poutargue, sauce fumée, légumes et pâté de tête de crevette.

Il y a de la poutargue sur ce plat, vous connaissez ?
Oui, j’en ai mangé à Martigues. J’aime beaucoup. J’irai d’ailleurs peut-être en acheter aux Halles de Nîmes avant de partir vers l’étape suivante de notre tournée.

Il y a de l’amertume dans la poutargue. Est-ce une saveur que vous recherchez ?
Je ne sais pas répondre à cette question ! On m’avait offert un livre sur l’amertume, très intéressant d’ailleurs, mais je pense qu’Antoine (Sahler) saura sans doute mieux que moi vous répondre.

“Je suis Normand d'origine donc ma cuisine est plutôt au beurre ou à la crème”

François Morel

Antoine Sahler :
J’adore l’amertume. Cela revient à la mode avec certains alcools, notamment les bières. J’ai toujours aimé l’amertume, même quand c’est assez prononcé parce que ça met en avant tout le reste. Je me souviens de mon grand-père qui buvait un alcool de gentiane. J’aime bien aussi le Cynar, cette liqueur italienne d’artichaut.
François Morel :
C’est pour moi compliqué de parler des saveurs et du plaisir gustatif, même si je prends beaucoup de plaisir à table. J’avais joué dans un spectacle qui s’appelait Lapin chasseur qui se passait dans un restaurant. Pour une émission de France Culture, on avait été invités, avec d’autres comédiens et Jérôme Deschamps (metteur en scène, et par ailleurs ancien directeur du Théâtre de Nîmes, ndlr) à déjeuner chez Lucas Carton (restaurant étoilé parisien, ndlr). Le journaliste avait eu une bonne idée de nous inviter à manger là-bas pour cette émission… mais je crois qu’on avait été hyper mauvais, car on ne parlait pas bien de ce qu’il y avait dans notre assiette, qui était par ailleurs vraiment très bon.

Aimez-vous les moments de gastronomie comme celui que nous partageons aujourd’hui au Restaurant Alexandre /Michel Kayser ?
Oui bien sûr ! Mais je ne mangerai pas comme cela tous les jours, car je travaillerais beaucoup moins et j’adore mon travail.

Vous fixez-vous des règles en matière d’alimentation ?
Pas assez. J’aime bien le plaisir de la table. J’aime bien manger et bien boire. Et mes amis sont comme moi… C’est donc beaucoup de leur faute. Ils m’entraînent avec eux et je suis faible. J’en souffre !

Et en tournée, vous interdisez-vous certaines choses ?
Je n’ai qu’une seule règle : je ne mange jamais pendant un spectacle !

Vous n’auriez donc pas pu jouer dans Le Goût des Autres, qui est aussi le titre de cette rubrique ?
Attention ! Le boulot, c’est le boulot. Évidemment, si je suis obligé…

À table, êtes-vous plutôt la Grande Bouffe ou l’Aile ou la Cuisse ?
Aucun des deux ! C’est horrible, vous me laissez le choix entre me vautrer dans la nourriture et de la bouffe industrielle. Non, j’aime mieux le choix culturel proposé dans Le Festin de Babette même si je préférerais goûter de tout, étalé sur une semaine, plutôt que de tout manger dans la même journée comme dans le film.

Dos de daurade de Méditerranée rôti au beurre noisette, accompagné d’aubergine confite et sur l’aubergine, un caviar d’aubergine accompagné d’un yaourt grec et de graines de sésame torréfiées. Dans la saucière et au fond de l’assiette, le jus de cuisson des aubergines agrémenté de prunes et d’amandes.

On nous sert de la daurade, qu’est-ce que la cuisine méditerranéenne ou provençale vous évoque ?
L’huile d’olive m’intéresse mais je suis Normand d’origine donc ma cuisine est plutôt au beurre ou à la crème. Enfin… je dis ça, mais je cuisine de plus en plus à l’huile. Sauf évidemment pour la tarte aux pommes. J’en ai fait plein ces derniers jours.
Vous mangez au restaurant, car vous n’avez pas le temps de vous faire à manger ou pour y prendre du plaisir ?
J’aime manger chez moi dès que je le peux. Mais j’aime prendre du plaisir au restaurant. En tournée, cependant, je n’ai pas le choix. C’est donc restaurant.
A.S.
En tournée, on mange souvent dans le train et le soir au théâtre.
F.M.
On aime bien aller dans les bonnes tables qu’on nous conseille, mais je fais gaffe à ne pas prendre 10 kilos par mois. J’essaye notamment de ne pas boire de vin le midi, mais pour ce midi, c’est raté ! En fait, les choses sont souvent organisées par le théâtre. La plupart du temps, après le spectacle, un traiteur nous apporte à manger sur place. Le moment que nous a proposé le chef aujourd’hui… c’est un moment d’exception.

“Le moment que nous a proposé le chef aujourd’hui... c’est un moment d’exception”

Merci aux équipes du Théâtre de Nîmes qui ont permis la réalisation de cet entretien.

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