Escapade

Gicon, à la croisée des terroirs

par Thierry allard | Photographie Adeline Justamon

Il est là, depuis le XIIe siècle, à regarder le camp de César dans les yeux : le château de Gicon, sur les hauteurs de Chusclan, près de Bagnols, s’impose comme un point de repère dans le paysage du Gard rhodanien.

 

Depuis là-haut, au bout d’un sentier tortueux prisé des promeneurs et des vététistes, on aperçoit les Dentelles de Montmirail et le mont Ventoux d’un côté ; le château du Jonquier et les prémices de la vallée de la Cèze de l’autre. « Quand le ciel est dégagé, on voit même la neige des Alpes », glisse Grégory Brunel, vigneron et Chusclanais de toujours. Ici, on est à la croisée entre la Cèze qui baigne le village de Chusclan ; le Rhône, qu’on devine tout près ; et une multitude de terroirs qui apportent de la fraîcheur sur les blancs et les rosés.

Entre sables, galets roulés, et calcaire, le château de Gicon apparaît comme le symbole de l’appellation Chusclan née en 1947. Cette variété des terroirs sur un vignoble de 250 hectares à peine constitue le secret de Chusclan, et marque sa différence, notamment avec le voisin Laudun. « C’est pour ça qu’on arrive à faire des cuvées très différentes », note Grégory Brunel. Les sables, omniprésents au pied du château de Gicon, permettent à la Syrah de s’épanouir, tandis que les galets, plus secs, constituent le terrain de jeu favori du Grenache, du Mourvèdre et du Cinsault. Certaines parcelles, situées à 100, 150 voire 200 mètres d’altitude, développent une typicité différente des coteaux sableux et des plaines aux galets roulés qui permettent à Chusclan de vendanger quelques jours avant ses voisins. « Nous sommes en avance sur les autres, et pas que sur le vin, plaisante Grégory Brunel. Nous avons une semaine d’avance sur les cerises sur Bagnols, alors que nous sommes à cinq kilomètres seulement. » Le fleuve s’écoulant tout à côté n’y est pas pour rien. « La barrière du Rhône fait qu’on a moins de pluie et plus de chaleur », estime-t-il.

Allié précieux du vigneron parce qu’il chasse certains parasites, le mistral ne souffle jamais aussi fort que tout près du Rhône. Ainsi, le château de Gicon est constamment giflé par des rafales de vent du nord. Le vent y souffle tellement fort qu’une éolienne installée par les vignerons de Maison Sinnae, propriétaires du château depuis 1973, n’y a pas survécu !

Sur ce terroir aux multiples facettes, les différents cépages et le savoir-faire des vignerons façonnent des vins de caractère, aux notes de fruits rouges, à la rondeur et à la souplesse renommées, qu’on retrouve dans la cuvée Château de Gicon en rouge. Pour autant, le vignoble est en perpétuelle évolution. Car, ici comme ailleurs, le changement climatique devient problématique. Tout autour du château, les pins disparaissent peu à peu, victimes des sécheresses et des chaleurs intenses de plus en plus fréquentes. La vigne souffre elle aussi, mais doit s’adapter.

Comment ? La réponse se trouve, au moins pour partie, dans le passé. Grégory Brunel a pris le parti de réhabiliter un cépage originaire de Chusclan, le Camarèse. « C’est un cépage qui résiste bien à la sécheresse et produit des vins moins alcoolisés et plus souples, on l’utilise notamment pour les rosés, et je l’ai fait en rouge cette année », précise le vigneron, qui espère que ce cépage local va regagner du terrain. Chez lui, au pied de ce château qui veille sur Chusclan et son terroir si particulier depuis des siècles et des siècles.

“Les sables, omniprésents au pied du château de Gicon, permettent à la Syrah de s’épanouir, tandis que les galets, plus secs, constituent le terrain de jeu favori du Grenache, du Mourvèdre et du Cinsault”

Le parc du château est ouvert et accessible au public. Le château en lui-même est ouvert lors des Journées européennes du patrimoine et lors de certains événements de la cave Maison Sinnae. Il est accessible depuis un sentier DFCI, le plus simple est de se garer dans le village ou à la chapelle en contrebas du château, comptez 4km de marche aller.

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