Escapade

Balade vagabonde dans les Costières, entre garrigue et Camargue

Lovée dans l’ancien lit alluvionnaire du Rhône, terre agricole florissante irriguée par l’ingénieux maillage de la compagnie BRL, la plaine des Costières est autant un prétexte à la contemplation qu’à la balade gustative, entre grands vins et beaux vergers.

Textes et photos Julien Claudel

Pour un peu, on se croirait cheminer dans le Bordelais. Dans les paysages ouverts du Saint-Émilion ou des graves de Pessac-Léognan, là où la vigne se donne des airs de déco endémique et où les

domaines cossus se multiplient à l’envi. Et pourtant, on est bien à l’autre bout de l’Hexagone, en plein Midi, au sud du Gard. En balade dans les Costières, et plus précisément dans le triangle Vauvert-Franquevaux-Générac, à l’ouest de cette vaste zone naturelle dont les géographes disent qu’elle est une des six grandes unités paysagères du département. Un beau triangle, à vrai dire. Comme en Bordelais, de solides mas et domaines viticoles se succèdent. Mais pas que.

Il fait beau, un petit mistral rafraîchit l’air et éclaire le ciel. La vue se dégage sur les étangs du Charnier et du Scamandre, les deux plans d’eau qui signalent l’entrée en Camargue. Les vergers de plein vent sont en fleur, les vignes taillées cet hiver prêtes à redonner de quoi vivre à plus de 250 producteurs de la fameuse appellation d’origine protégée conquise en 1989. Les Costières-de-Nîmes, c’est évidemment le totem de ce terroir privilégié.

De Beaucaire à Vauvert, des portes de Nîmes à Saint-Gilles, la plaine des Costières -que d’aucuns appellent un plateau, laissons trancher les mêmes géographes- donne depuis quelques décennies ses titres de noblesse à l’agriculture gardoise. Être paysan, ici, c’est d’abord vénérer le Rhône. Il a beau être assez loin aujourd’hui, il y a quelques millénaires les Costières formaient son (grand) lit. Patiemment, avec art, il a posé une montagne d’alluvions -ah, peut-être la justification du fameux plateau- et des tonnes d’argile rouge. Cultiver la vigne, mais aussi la pêche, la nectarine, l’abricot ou encore l’olivier, c’est aussi rendre un hommage quotidien à un visionnaire de l’aménagement du territoire : Philippe Lamour. En imaginant le réseau tentaculaire de canaux et de veines souterrains prenant leur source au Petit-Rhône, l’avocat et haut-fonctionnaire a permis à l’agriculture de s’épanouir durablement en Languedoc, et tout spécialement dans les Costières où son oeuvre de génie civil a frappé plus fort qu’ailleurs. « Sans le Bas-Rhône, pas d’arboriculture, confirme Pierric Mathon, qui cultive à Beauvoisin 4,5 hectares de fruitiers en bio et pratique la vente directe. « Autrefois, dans les Costières, on ne trouvait historiquement que des moutons. La terre y est pourtant généreuse et son sol argileux donne de très belles productions. »

Nous voilà justement au coeur de Beauvoisin, le village des « empègues », ces fameux graffs au pochoir qui taguent à peu près une maison sur deux en remerciement aux donateurs des fêtes votives. Une bandido égaye d’ailleurs ce dimanche matin, terre de bouvine et signe que la Petite Camargue n’est jamais loin. Au-delà du triangle de la promenade par ailleurs agreste et bienfaisante, les Costières s’inscrivent dans une zone urbaine, avec le développement de l’habitat et des infrastructures aux abords de Nîmes, de Marguerittes, de Meynes ou de Manduel ; et énergétique. Depuis quelques mois, le projet du réseau RTE d’édifier une ligne à très haute tension entre Jonquières-Saint-Vincent et Fos-sur-Mer, en passant par Beaucaire ou Bellegarde, fait la une de l’actualité. L’abandon du charbon pour faire tourner les raffineries passe par la fée électricité qui présente en l’occurrence les atours d’un mauvais sort jeté aux habitants des Costières. « Un terroir, c’est un paysage, et ce paysage s’accommoderait très mal d’un projet industriel de 65 kilomètres de long qui porterait irrémédiablement atteinte au milieu, avance François Collardle vigneron en biodynamie du château Mourgues du Grès très engagé au sein du syndicat viticole de l’appellation. En 2007, les Costières avaient été le premier territoire à signer une charte paysagère et environnementale, ce n’était pas pour évoluer vers ce genre d’idée ! » Le débat, vif, excite et dresse contre lui les imaginaires comme les élus, eux aussi vent debout. Subtile ligne de rupture entre modernité technique d’un côté et archaïsme de son intégration de l’autre…

En attendant, allez découvrir et profiter de cette « plaine-plateau » qui donne des vins aussi méritants que ceux de la vallée du Rhône, dont elle partage l’identité géologique, la brise marine estivale en plus. Filez librement jusqu’au canal du Rhône à Sète, où pavoisent en eaux calmes les bécasses et les péniches à touristes venus d’Aigues-Mortes, ou allez frapper à la porte d’un domaine engagé : vous apprécierez l’accueil.

“"Autrefois, dans les Costières, on ne trouvait historiquement que des moutons. La terre y est pourtant généreuse et son sol argileux donne de très belles productions."”

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