Croizard – Ducros* : La précision à l’heure de l’ouverture
par Guillaume Mollaret | Photographie Jean-Claude Azria
Dans leurs restaurants d’Uzès et de Nîmes, les deux chefs proposent une cuisine à base de produits gardois agrémentés de saveurs au goût de tour du monde.
« Waouh, c’est bon ça ! C’est vraiment étonnant, on dirait un samoussa. » En une bouchée de black angus de Camargue drapée d’une fine garniture d’épices, Vincent Croizard, du restaurant éponyme, vient d’offrir un tour du monde à Christophe Ducros*, chef de la Table d’Uzès.
Natif de la Nouvelle-Calédonie, le cuisinier nîmois (2 toques Gault & Millau), se plaît à surprendre en mettant un peu de son exotisme sur des mets de sa terre d’adoption. « Je suis très chauvin. Les viandes, les poissons, les fruits et légumes que je travaille viennent tous du Gard. Je n’imagine pas autre chose qu’une cuisine du marché. Mais il y a des saveurs qu’il faut se permettre d’aller chercher ailleurs. J’emprunte des choses à la cuisine mélanésienne et aux communautés asiatiques qui lui apportent beaucoup pour en faire quelque chose qui me ressemble. Dans tous les cas, il faut que les goûts et les couleurs tranchent », pose-t-il avec timidité. « C’est toujours un peu difficile de parler de sa cuisine, mais chez Vincent, cette
façon de faire n’est pas une stratégie. C’est une sensibilité qui s’exprime avec son originalité.
Ce n’est pas facile de trouver son équilibre. On essaye tous des choses. On se cherche. Et cela prend du temps de montrer qui l’on est derrière un fourneau », décrypte Christophe Ducros.
“Je me balade du sud de l’Espagne au Liban.”
Cette ouverture sur le Pacifique, le chef uzétien l’a lui aussi longuement explorée. Pendant de nombreuses années, un tropisme pour le Japon a mâtiné sa cuisine. Inspirée par Stéphane Raimbault**, chef de L’Oasis à Mandelieu-La Napoule où Christophe Ducros a officié pendant dix ans avant de rejoindre le Gard – Le Vieux Castillon d’abord puis la Table d’Uzès en 2016-, cette influence se retrouve encore ici et là. Mais par touches seulement. « C’est une influence dont je me suis détaché petit à petit, sans même trop y prêter garde. Désormais, c’est sur le bassin méditerranéen que je me balade… du sud de l’Espagne au Liban », image celui qui aime travailler le gibier cévenol arrosé de vins charpentés à base de syrah. Un petit côté « tradi » assumé que Christophe Ducros préfère à l’étiquette « classique », que son chef de salle vient glisser comme une peau de banane au milieu de la conversation.
Dans le verbe comme dans l’assiette, tout est affaire de présentation. Les cébettes fourrées à la feta par Vincent Croizard attisent une curiosité que le filet de bœuf cuisiné à basse température et juste saisi surligne d’un rouge bourgogne et gourmand, au côté d’une pièce de paleron enrobé d’épices.
“Il y a des saveurs qu’il faut se permettre d’aller chercher ailleurs.”
Ainsi quand Vincent Croizard propose un bœuf en deux façons sur la même céramique, Christophe Ducros préfère avancer vers la table avec un plat en deux services. « Parfois, il peut même y avoir trois temps », complète le chef étoilé. Alors que la présence d’un paleron de bœuf ne fait pas de doute sur une première assiette, on jurerait qu’un tartare de betterave habite la faïence creuse voisine. Un trompe-l’œil ! Décisif, le premier coup de fourchette ne laisse place à aucun doute. Il s’agit en fait d’un bœuf mariné à déguster comme une entrée. Durant l’interminable fermeture administrative des restaurants imposée durant plus de six mois entre 2020 et 2021, les équipes de la Table d’Uzès ont continué d’échanger toutes les deux semaines autour d’un café, en devisant, à mesure de l’avancée du printemps, sur les couleurs à donner à la nouvelle carte. La brigade de Christophe Ducros a ensuite attendu la mi juin et l’autorisation d’ouvrir ses tables à l’intérieur pour dresser le couvert au-dedans comme sur sa terrasse lovée dans le centre historique de la cité ducale. A Nîmes, Vincent Croizard, avec une équipe plus resserrée, n’a quant à lui jamais –ou si peu- éteint ses fourneaux depuis un an. Son grand patio ombragé au cœur de Nîmes lui a permis d’ouvrir sa maison dès la mi-mai. Asperges torréfiées au sobacha et thon rouge en tataki à l’écorce de cacao ouvrent l’appétit et sur le monde. Baptisé Tour d’Horizon, le menu invite à en repousser les limites.
LA TABLE D’UZÈS
18 Rue du Dr Blanchard 30700 Uzès
Tél. : 04 66 20 07 00
lamaisonduzes.fr
RESTAURANT VINCENT CROIZARD
17, rue des Chassaintes 30 900 Nîmes
Tél. : 04 66 67 04 99
restaurantcroizard.com
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