Le bon coin des producteurs

À l’Ermite d’Auzan, l’aromathérapie au service de la vigne

Par Agathe Beaudouin | Photographies Thomas Heydon

Ce domaine viticole des Costières de Nîmes cultive un jardin dont les plantes sont mises au service de la vigne. 

Dans les vignes qui dominent le plateau des Costières, entre Garons et Saint-Gilles, Tanguy Castillon œuvre à ses multiples activités en cette fin de période hivernale. Le vigneron suit les traces de ses aïeux. Chez les Castillon, on est vigneron de père en fils depuis dix générations. Mais à 27 ans, il veut apporter sa touche personnelle au domaine viticole familial de 80 hectares, l’Ermite d’Auzan, mené en biodynamie et agriculture biologique. Après avoir voyagé, allant découvrir les pratiques viticoles en Nouvelle-Zélande et en Amérique du Sud, et persuadé que l’évolution climatique doit amener la filière à revoir sa manière de produire, le Gardois s’est lancé un sacré défi : se passer totalement d’intrants chimiques.

Dans la propriété viticole, où 600 moutons piétinent les parcelles et fournissent un fumier naturel, il a planté avec son épouse Marie une quinzaine de variétés de plantes aromatiques. À quelques pas des pieds de vignes sortent de terre les lavandes, immortelles, sauges, et autres romarins. Une fois récoltées et après avoir séché sur des sortes de hamacs en toiles épaisses, elles sont transformées en infusions, décoctions ou huiles essentielles grâce à un alambic, et seront ensuite déposées sur les vignes. « Mon objectif, c’est d’être totalement autonome en intrants, explique Tanguy Castillon. Ne plus utiliser de produits chimiques de synthèse, ne plus acheter de bidons non plus… Avec toutes les aromatiques, chaque huile essentielle intervient sur un aspect spécifique du végétal. »

Cette démarche singulière n’en est qu’à ses prémices. « En 2020, nous avons lancé l’expérience sur 7 hectares. Il a fallu avancer progressivement, élaborer les bons dosages. Par exemple, pour supprimer le champignon parasite sur la feuille de vigne sans la brûler, il faut un dosage spécifique. Et quand je trouve le bon équilibre, c’est une grande satisfaction » admet celui qui passe parfois, aux yeux de ses collègues, pour un sorcier. Il s’en amuse. « Je suis persuadé que c’est à l’humain de s’adapter », reprend le vigneron, accompagné dans ses recherches par la Chambre d’agriculture du Gard. Les traitements s’achèvent au plus tard 20 jours avant les vendanges, afin que les huiles et tisanes n’influencent pas les saveurs du vin.

“Avec toutes les aromatiques, chaque huile essentielle intervient sur un aspect spécifique du végétal. ”

Tanguy Castillon

L’Ermite d’Auzan est une propriété menée par la famille Castillon depuis quatre générations. « S’il n’y avait pas cette structure économique solide, avec 14 salariés, je n’aurais pas pu initier cette pratique. L’aromathérapie, c’est avant tout beaucoup de temps, donc de main d’œuvre, mais moins d’achat de produits et de matières premières. L’objectif est de ne pas augmenter le prix de la bouteille. »

Ce jardin d’aromatiques, pour lequel Marie a bouturé toutes les plantes, n’est pas la seule surprise au domaine. Le long d’un sentier, des clémentines corses, kumquats, pomelos, citrons caviar apparaissent sous le ciel bleu des Costières. Ici, dix-neuf variétés d’agrumes ont été plantées sur un petit hectare. « Mon idée, c’est de cultiver sur quelques hectares ces végétaux qui s’adaptent bien au climat méditerranéen, à notre sol gras, et qui peuvent résister aux coups de froid. Je ne veux pas cultiver sous serre. On n’envisage pas de produire des tonnes, mais suffisamment pour lancer une commercialisation en circuit court. » Une production encore confidentielle et pour le moment destinée au chef étoilé Michel Kayser, mais que Tanguy Castillon espère bien développer dans les prochaines années.

“Développer la production pour la rendre moins confidentielle.”

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