Regards croisés

« Nos sacrifices ont payé »

Propos recueillis par Guillaume Mollaret

 

Que représente pour vous cette étoile au Guide Michelin ?

Matthieu Hervé : J’ai réalisé l’objectif que je m’étais fixé quand j’ai pris cette cuisine en 2018. Pour des raisons stratégiques, il a d’abord fallu asseoir la réputation du bistrot et de l’hôtel devenu 5 étoiles. C’est seulement l’an dernier que nous avons pu concentrer nos efforts sur le développement du restaurant gastronomique. Je suis très heureux pour Sabran et le secteur de Bagnols. Nos sacrifices ont payé. Beaucoup de gens me disent que j’ai réalisé un rêve mais non… Le rêve c’est 3 étoiles !

Sébastien Rath : C’est une consécration qu’il faut vivre ! Ça ne se raconte pas. Je suis tellement heureux pour mon équipe et le secteur alésien. C’est fabuleux. Avec mon épouse Gwladys, nos efforts ont payé. Un de nos premiers clients nous a écrit : « Je ne sais pas si le bonheur efface les difficultés passées mais cela justifie au moins l’intensité d’arriver au sommet. » Il a raison et je l’en remercie.

Quel regard portez-vous respectivement sur la cuisine de l’autre ?

MH : Avant sa cuisine, Sébastien est un homme que j’apprécie beaucoup. Il est encore plus méritant que moi car il est le patron de son propre restaurant. C’est un homme sincère qui met le produit au centre de l’assiette et son approche végétale propose une sensibilité bien différente de la mienne. Avec Gwaldys, qui est en salle, ce sont des gens humbles. Ils savent où ils veulent aller. Ils m’inspirent beaucoup de respect.

SR : Matthieu propose une cuisine qui est aussi jolie que bonne. Elle est percutante autant visuellement que gustativement. Il fait des choses très différentes des miennes. Il cuisine par exemple divinement le ris de veau. Il a une signature de sauce, juste, franche et colorée, qui me parle. Et la sauce, j’y apporte une grande importance.

En février dernier, vous avez élaboré un repas à 4 mains au Saint Hilaire. Est-ce si simple de partager un piano de cuisine ?

MH : En l’occurrence oui, car nous parlons de la même chose. Nous avions tout préparé en amont en utilisant des produits différents. Le Saint Hilaire compte 9 tables, nous avions donc le temps et l’espace pour soigner les gens comme il le fallait.

SR : Oui ! L’écriture du menu s’est faite naturellement, nous avons fait les choses en 6 services et nous nous sommes montrés complémentaires. Ce fut une soirée réussie pour nous comme pour les clients. Étonnamment, les choses furent intenses et sont passées à une allure vertigineuse. C’était fort agréable d’aller voir les clients à deux chefs. J’ai aimé cela.

Rappelez-nous votre formation et votre parcours professionnel ?
MH : Je suis titulaire d’un CAP et d’un brevet professionnel en cuisine obtenus en Normandie. J’ai travaillé dans divers restaurants étoilés à Courchevel, Montréal, New-York et Bâle mais c’est à Nice, au Negresco, aux côtés de Jean-Denis Rieubland (MOF) que j’ai tout appris. En arrivant chez lui, je savais à peine aiguiser un couteau et je suis arrivé au bout de 5 ans chef de partie. Il est venu faire un 4 mains avec moi à Montcaud l’été dernier… Je lui en suis très reconnaissant.

SR : Mon grand-père et mon père étaient bouchers. J’ai commencé mon expérience en restauration à l’Auberge de Saint Hilaire, chez Alain Reymond, dans les murs où je me trouve aujourd’hui. Ma formation, je l’ai faite à l’école hôtelière de Saint-Jean-du-Gard. Ma première fiche de paye, je l’ai gagnée chez Michel Kayser ! Avec Gwladys, nous nous sommes ensuite très vite installés en tant que traiteur d’abord puis en tant que restaurateur au Riche, et enfin depuis l’an dernier au Saint Hilaire.

Cette étoile est une forme de consécration, mais aussi une pression. Comment l’appréhendez-vous ?
MH : Cela fait 20 ans que je travaille dans des établissements étoilés. J’appréhende donc bien les choses d’autant que nous nous sommes mis au standard pour monter la rigueur collective d’un cran de la réception à la plonge, en passant évidemment par la cuisine. Au Cèdre, nous sommes sur un petit format de 6 tables. Chacun sait ce qu’il a à faire. Il faudra davantage faire attention à satisfaire la demande côté bistrot car nous avons énormément de réservations.

SR : Je ne le ressens pas comme une pression mais c’est la suite logique d’un chemin. Nous sommes des chirurgiens de l’art culinaire qui devons, avec l’équipe, faire de l’amélioration continue. Il faut continuer à se battre comme si on n’avait pas d’étoile. L’étoile change peu de choses à ce que je suis mais elle génère une attente. Le chemin ne s’arrête pas là !

Matthieu Hervé*, au Cèdre de Montcaud et Sébastien Rath* au Saint Hilaire, ont reçu début mars une étoile du Guide Michelin. Une étape importante dans la vie de ces deux chefs qui se connaissent et s’apprécient.

“"C'est une consécration qu'il faut vivre ! Ça ne se raconte pas."”

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